
L’actrice Céline Mauge, vedette de la comédie Ça tourne à Saint-Pierre-et-Miquelon, présentée jusqu’au 8 novembre dans le cadre du Festival international du film de Yellowknife. (Crédit photo : Screen Addict)
Produit en France et au Canada, le long métrage Ça tourne à Saint-Pierre-et-Miquelon est présenté aux cinéphiles ténois du 3 au 8 novembre, dans le cadre du Festival international du film de Yellowknife.
Thomas Ethier – IJL – Territoires
Un périple en terre inconnue, sur fond de paysages vertigineux, à s’écouter réfléchir bien loin de la frénésie urbaine. Certains expatriés du Grand Nord se reconnaitront sans doute dans l’héroïne de Ça tourne à Saint-Pierre-et-Miquelon, dernière réalisation du cinéaste Christian Monnier. Tournée sur l’archipel français, à 12 km des côtes de Terre-Neuve, cette comédie met en scène une actrice parisienne profondément cosmopolite, qui apprend malgré elle à vivre au rythme de ses songes et de ses tourments, et d’une culture insulaire située à des lieues de la mondanité parisienne.
Médias ténois a discuté avec le réalisateur Christian Monnier de territoires reculés, de films à petit budget, et de son amour du Canada. Entrevue.
Médias ténois – Peu de films mettent en vedette les régions reculées de l’Amérique, comme l’archipel français. Qu’est-ce qui vous a attiré à Saint-Pierre-et-Miquelon ?
Christian Monnier – J’ai eu la chance de tourner le court métrage Jenna à Saint-Pierre-et-Miquelon, il y a quelques années. Mon producteur est habitué aux territoires outremer. On cherchait un territoire un peu enclavé, un peu exotique pour les Français, et pas très loin du Canada, puisque j’essaie d’y mener mes projets.
Comme ça s’est très, très bien passé à Saint-Pierre-et-Miquelon, qu’on s’y est fait beaucoup d’amis, et que je partais sur ce projet avec très peu d’argent, je me suis dit « Allez » !
C’est un peu fou de partir faire un long métrage sans fric, mais je savais que, sur place, j’aurais un bel accueil et le soutien des habitants et peut-être des institutions pour beaucoup de choses. Ce petit bout de terre française en Amérique du Nord, c’est un territoire qui fait un peu rêver les Français, comme tous les territoires francophones en Amérique du Nord, d’ailleurs.
MT – Votre film met en vedette une femme qui part travailler très loin de la ville, dans une région relativement isolée. Croyez-vous que certains s’y reconnaitront, aux Territoires du Nord-Ouest ?
CM – Quand j’ai écrit ce film avec la coscénariste Sheila O’connor – qui a par ailleurs partagé l’écran avec Sophie Marceau dans le film La Boum, en 1980 –, sachant que je n’avais pas beaucoup d’argent, je voulais qu’on se fasse plaisir. Je voulais offrir un film qui fait du bien au public, en toute modestie, qui génère du sourire et, espérons-le, du rire. Je voulais faire découvrir un territoire méconnu, et faire émerger des émotions.
Ce cocktail est un peu universel. Ça peut plaire à beaucoup de gens. Pour les expatriés des Territoires du Nord-Ouest, difficile de répondre à cette question. Oui, sans doute : ce personnage se perd un peu sur cette ile pour trouver une réponse très profonde à laquelle elle ne croyait certainement pas avoir accès. Elle découvre les habitants de l’archipel et s’y retrouve elle-même. C’est une quête identitaire. Je ne sais pas si les gens des TNO sont en quête identitaire. J’imagine que nous le sommes tous, ma foi !
MT – Comment avez-vous composé votre équipe de tournage pour Ça tourne à Saint-Pierre-et-Miquelon ?
CM – J’ai amené une très petite équipe de Paris et deux comédiens. Sur place, nous faisons une coproduction avec RFO, la chaine de télévision locale, qui nous a fourni quelques techniciens et du matériel. J’ai également tourné avec des comédiens de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il y a des gens d’un peu partout. C’est un film international ! (rires)
MT – Comment le tournage s’est-il déroulé sur l’archipel ? Tout s’est bien passé ?
CM – Lors du tournage précédent, pour mon premier contact, je ne suis pas arrivé en conquérant, en Marco Polo. Je suis arrivé avec un profil bas. Pour Ça tourne à Saint-Pierre-et-Miquelon, ça s’est très bien passé, on a reçu un grand soutien des résidents. Et je crois qu’ils étaient très heureux qu’on tourne en été et qu’on montre leurs paysages estivaux. Jenna, c’était en hiver. C’est un peu classique de montrer un territoire du nord, comme ça, en hiver. – Oui, c’est beaucoup plus au sud que chez vous, mais pour nous, ça reste le Nord !
Très peu de films ont été tournés à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les résidents étaient contents. Ils n’ont pas encore vu le film, puisque nous avons décalé la sortie d’un an à cause de la COVID-19. Nous allons le sortir en mai 2022 en France, mais on fera une avant-première à Saint-Pierre-et-Miquelon au début 2022. On verra s’ils nous jettent des tomates ou nous jettent à la mer avec du goudron et des plumes, mais j’ai bon espoir !
MT – Va-t-on bientôt vous revoir au Canada pour d’autres tournages ?
CM – J’espère. Je suis venu au Canada il y a sept ans en repérage, pour un projet de long métrage. J’ai été au Québec, en Alberta, en Colombie-Britannique. Puis mon producteur m’a dit d’aller faire un tour à Sudbury, en Ontario, pour son côté industriel, avec ses grandes cheminées. C’était très intéressant pour mon film. J’y ai rencontré le producteur Jason Ross Jallet, et le chef opérateur Mathieu Séguin. Ils ont tous deux travaillé sur Ça tourne à Saint-Pierre-et-Miquelon.
J’ai eu l’occasion de leur parler d’un projet, dont je leur ai parlé il y a sept ans, qui est toujours sur les rails et que j’espère tourner l’an prochain. Le film s’appellerait Niagara Falls, et serait tourné en Ontario. C’est l’histoire touchante d’une fille et d’une mère. On croise très fort les doigts. Ce sera un autre film à petit budget, mais ce sera un beau film. C’est très important pour moi, c’est un peu l’histoire de ma femme. C’est un film qui compte.
MT – Dans son coin de l’océan Atlantique, l’ile de Saint-Pierre-et-Miquelon vous fait penser davantage à la France, ou au Canada ?
CM – C’est un territoire à part. Les maisons ressemblent un peu à celles de Terre-Neuve, il y a de grosses voitures bien nord-américaines. Les habitants ont leurs propres expressions, dont certaines qu’on retrouve au Québec. Mais je crois qu’ils se sentent profondément Français, même si la métropole, c’est loin, et qu’ils n’aiment pas que les gens de Paris viennent les enquiquiner (rires) ! Ils sont bien, sur leur ile, ils aiment avoir leur liberté.
Je crois qu’ils se sentent assez proches du Canada, vu la proximité de Terre-Neuve et d’Halifax. Ils ont une histoire commune avec Terre-Neuve. Il y a eu beaucoup de mariages, d’ailleurs, entre les habitants des deux régions. Beaucoup de femmes aussi vont accoucher à Halifax, et beaucoup de jeunes Saint-Pierrais et Miquelonnais ont la double nationalité, puisqu’ils sont nés en territoire canadien. Beaucoup d’entre eux partent étudier au Québec, ou encore en Ontario. Ils ont certainement un lien particulier avec le Canada.