
L’entente sur les eaux transfrontalières du bassin versant du Mackenzie est un processus-fleuve. La Saskatchewan, par exemple, n’a toujours pas entériné son adhésion au partage des responsabilités entre les riverains du bassin versant du Mackenzie. (Photo : archives L’Aquilon)
Selon des informations communiquées à L’Aquilon par le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles (MRN), le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest souhaite adhérer au comité de contrôle du programme de surveillance des sables bitumineux afin de mieux protéger la qualité de ses eaux. Une demande aurait été faite en juin au gouvernement fédéral.
La requête fait suite à ce que le gouvernement ténois considère être un manquement de l’Alberta à l’entente sur les eaux transfrontalières entre la province et le territoire.
Le comité de contrôle est un organisme coprésidé par les sous-ministres adjoints d’Environnement et changement climatique Canada (ECCC) et d’Environnement et Parcs Alberta. Les Métis et les Premières Nations sont aussi représentés au comité. Au nombre des objectifs du comité : faire du repérage d’impacts environnementaux et évaluer les effets cumulatifs de la mise en valeur des sables bitumineux.
La demande d’adhésion au comité a été signifiée directement au ministre d’ECCC Jonathan Wilkinson, le 25 juin dernier, puis réitérée le 17 juillet suivant. Le gouvernement territorial a également demandé de faire partie du comité-conseil technique pour la surveillance des eaux de cet organisme.
Selon une porte-parole du MERN, le gouvernement fédéral se serait dit disposé à discuter de ce sujet avec son homologue albertain.
Manquements à l’entente
Le 6 avril, dans la foulée des mesures d’urgence liée à la pandémie de COVID-19, Énergie Alberta et Environnement et Parcs Alberta ont temporairement suspendu certaines exigences de signalement dans les domaines du pétrole, du gaz et du charbon. Les arrêtés ministériels touchaient la Loi sur l’amélioration de la protection environnementale, la Loi sur les eaux et la Loi sur la terre publique. La suspension des exigences de signalements et de surveillance a pris fin le 15 juillet.
Pour le ministre de l’Environnement et des Ressources naturelles des TNO, Shane Thompson, cet arrêt d’évaluations environnementales contrevenait à l’entente sur la gestion des eaux transfrontalières signée par les deux parties en 2015, entente qui définit notamment les paramètres de qualité des cours d’eau s’écoulant de l’Alberta aux TNO.
« L’Alberta n’a pas averti le GTNO de ses plans de suspendre temporairement la surveillance de la qualité de l’eau », explique M. Thompson dans un courriel relayé par un membre de son personnel.
Le ministre souligne qu’il y a dans l’entente des dispositions permettant à chaque gouvernement de prendre des mesures d’urgence pour protéger le public, mais que la consultation et l’échange d’informations doivent être priorisés.
Des programmes de surveillance accrus
M. Thompson affirme que son ministère a les outils pour pallier les données manquantes du côté de l’Alberta. « Le MERN évalue la qualité de l’eau du côté ténois de la frontière et a mis en place un système de suivi [de l’eau] à Fort Smith début mars, en raison d’inquiétudes sur le haut niveau de l’eau et des inondations à Fort McMurray, écrit le ministre. Les évaluations n’indiquent pas de changements notables à la qualité de l’eau aux TNO. »
Le MERN a pleinement mis en place son programme de surveillance de la qualité des eaux transfrontalières cette année et mettra la touche finale à ses programmes de surveillance biologique dans la rivière des Esclaves et la rivière aux Foins dans les semaines qui viennent.
Selon M. Thompson, la pandémie a eu peu d’incidence sur les activités de contrôle de la qualité des eaux du MERN.
Comptes à rendre
Le programme de contrôle des sables bitumineux auquel les TNO souhaitent adhérer a lui-même pris une pause de ses activités, déplore le gouvernement des TNO.
M. Thompson a exprimé son inquiétude à ce sujet à son homologue fédéral. Des discussions sont en cours pour que la surveillance reprenne aussitôt que possible sur la rivière des Esclaves, au niveau de Fort Fitzgerald, près de la frontière Alberta-TNO.
Le chef national déné, Norman Yakeleya, dénonce l’attitude des gouvernements albertain et canadien. « L’eau est notre vie et notre sang, clame-t-il lors d’un point de presse. Si le pétrole et le gaz étaient à Calgary au lieu d’être dans de petites collectivités de l’Alberta, les choses se passeraient différemment. […] Nous demandons au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest de renforcer les lois qui protègent nos eaux. »
Pour M. Yakeleya, l’Alberta et le Canada doivent rendre des comptes dans le dossier de la gestion des eaux du bassin du Mackenzie. « Le gouvernement des TNO, les leadeurs autochtones et les gens du Nord devraient évaluer leurs options pour obliger le gouvernement de l’Alberta à honorer l’entente [sur les eaux transfrontalières] et ne pas utiliser la COVID-19 comme une excuse pour suspendre la surveillance », plaide-t-il.
Selon le courriel attribué au ministre Thompson, le gouvernement des TNO n’envisagerait pas pour l’instant d’employer les mécanismes légaux prévus dans l’entente sur les eaux transfrontalières pour forcer l’Alberta à respecter ses obligations.